Le Moussar
Rav Abdelhak - Communauté Ohaley Ya’acov : Paris
Introduction : Les sources premières fondamentales du Moussar (‘Morale juive’ ou ‘Ethique juive’) se trouvent dans la Tora et se manifestent par :
- Des récits historiques qui montrent par exemple des valeurs morales à suivre, telles que la gratitude, l’hospitalité, la justice, la modération, l’humilité, l’aide aux pauvres et aux opprimés, …..
- Des lois qui portent sur les relations avec autrui (respect envers les parents, relations entre riches et pauvres, entre patrons et employés, lois sur la « Tsédaka*», lois sur les prêts, …)
- Des principes fondateurs généraux : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’, ‘tu poursuivras la justice’,….)
Tous ces principes de l’éthique juive ont été renforcés et mis en exergue par tous les prophètes qui ont particulièrement insisté sur la morale sociale.
Des écrits comme ‘les Proverbes’ (Michlé’) et ‘l’Ecclésiaste’ (Kohélete’) s’attachent plus particulièrement à la morale individuelle.
Les Sages du Talmud, se fondant sur les principes bibliques, vont développer et approfondir les valeurs suprêmes de la morale juive (justice, droiture, bonté, compassion,…) en les fixant autour de « Halakhote » et en les illustrant par les nombreux récits de la Agada ainsi que par les maximes des ‘Pirké Avote’. Ils vont préciser que le domaine de la morale ne se réduit pas au monde des actions mais qu’il concerne fortement le monde intérieur de l’homme, sa conscience, d’où l’importance de l’intention, des attitudes, de la pensée. Une des bases essentielles pour valoriser les comportements moraux est que si l’homme est fait à l’image de D.ieu, c’est pour lui ressembler dans les « Midote » (qualités) et puisque D.ieu est miséricordieux et juste, nous devons être miséricordieux et justes également, etc…
Ce n’est qu’en agissant moralement que l’homme avance dans la voie de D.ieu.
Au 11 ème siècle, R. Bahya Ibn Pakouda écrit « Les devoirs du cœur » (« Hovote Halévavote ») un ouvrage entièrement consacré au Moussar. R Bahya critique les savants de l’époque qui ne portent d’intérêt qu’aux actes extérieurs et appelle à une plus grande attention à l’intériorité de l’homme (amour et crainte de D.ieu, repentir, humilité,…)
Aux 13-14ème siècles, on peut citer, dans le domaine de l’éthique juive, l’œuvre de Rabénou Yona de Gérondi, ‘Cha’aré Téchouva’ (les portes du Repentir) et d’autres ouvrages tels que le ‘Séfer HaRokea’h de R. El’azar de Worms et le ‘Séfer ‘Hassidim de R. Yéhouda Hé-Hassid. Au 16ème siècle, les Kabbalistes produisent également des œuvres sur le Moussar : « Réchite ‘Hokhmah » de R. Eliahou de Vidés et « Tomér Dévora » de R. Moché Cordovero.
Mais l’ouvrage le plus populaire et le plus étudié dans ce domaine est le Méssilate Yécharim ( le Sentier de la Rectitude) de R. Moché Hayim Luzzato (18ème siècle).
Aux 19 ème- 20 ème siècles, grâce à R. Israël Salanter et à ses élèves, le ‘Mouvement du Moussar’ atteint une nouvelle dimension et l’étude de cette discipline se généralise.
L’importance du Moussar et l’effet du « goutte à goutte » quotidien.
Les « Pirké Avote » s’ouvrent sur un principe fondamental « Moché reçut la Tora sur le mont Sinaï et l’a retransmise à Yéhochoua’ etc… »
A priori, une telle information aurait trouvé une place plus adéquate avant le traité Bérakhote qui représente le début de la Tora orale.
Pourquoi donc cette introduction a-t-elle été citée spécialement avant « les Maximes des Pères » ?
Etant donné, nous explique le Barténora*, que ce livre traite particulièrement des sujets de Moussar et des vertus que chacun doit cultiver, il était important que l’on sache que ces enseignements ne sont pas le produit d’une philosophie humaine, comme cela est généralement le cas parmi les différentes nations du Monde, dont les sages du moment élaborent des « normes de sociétés » ou des « règles de vie » adaptées au début, obsolètes ensuite.
Tandis que le « Moussar » enseigné par nos Maîtres n’est pas le fruit de leur invention, mais uniquement l’expression de la volonté Divine telle qu’elle a été exprimée par HACHEM Lui même, lors du don de la Tora et a été retransmise par Moché Rabénou avec toute la Tora Orale.
Le Maharcha (Rabbi Chmouél Aydel) a commenté dans son livre l’ensemble de la Guémara ; mais il l’a séparée en deux entités : l’interprétation de la Halakha et celle de la Agada (Moussar).
Or dans l’introduction de son ouvrage, il a exprimé son regret d’avoir établi une scission entre ces deux domaines, car il avait constaté que Rav ACHI, le rédacteur du Talmud, ne les avait pas séparés.
En effet, lors de l’étude de la Guémara, on s’aperçoit de l’enchaînement des sujets : tantôt Halakha, tantôt Agada, sans répartition spécifique. Car les deux thèmes font réellement partie intégrante de l’enseignement divin. Et il conclut en disant que si ce travail n’avait pas été monumental, il aurait, même à posteriori, rétabli l’ordre convenable en les fusionnant.
Cette réaction du Maharcha rejoint une très belle définition du Rav ‘Hayim de Wolojine, l’élève du Gaone de Vilna, quant à la place du Moussar dans l’étude de la Tora. Le Rav cite la Guémara (Chabat 31.a) qui compare l’étude de la Halakha à une récolte de blé, et le sentiment de « crainte du ciel » à un produit conservateur des céréales, dont la présence est indispensable car si on a oublié d’introduire le conservateur, alors les travaux agricoles, s’avèreront au fil du temps stériles et inutiles, puisque toutes les récoltes pourriront.
Ainsi, le Moussar est considéré comme le conservateur de la Tora, pouvant garantir la mise en pratique de ses Mitsvote grâce à « la crainte et l’amour du Ciel » que cette étude est capable d’insuffler.
Suivant cette analogie, on comprendra que, de même qu’une petite quantité d’agent conservateur, serait suffisante même pour des tonnes de céréales, de même il suffirait d’un peu de Moussar pour raviver l’amour et la crainte d’HACHEM Car l’action positive du conservateur est liée au fait qu’il est «mélangé» entre les différentes couches de blé. Le Moussar lui aussi doit être étudié quotidiennement, mais surtout lorsque l’on ressent la nécessité de se renforcer au niveau des valeurs et de la pratique juive.
Les textes de Moussar sont divers. Certains sont très concis comme ceux des « Maximes des pères » (Pirké Avote), d’autres sont plus longs, car au fil des générations, les Sages d’Israël ont développé les idées d’éthique juive en fonction du besoin de leur époque, afin qu’elles soient plus facilement assimilées par leurs contemporains et exprimées dans un langage adapté.
C’est pourquoi on trouvera différentes approches dans la présentation de la morale juive.
Conclusion : Une des idées importantes qu’il faut garder à l’esprit, lors de l’étude du Moussar, c’est la recherche du fond du message, et non sa forme ; le résultat, et non le moyen ; car l’étudiant peut avoir une réticence devant des textes qui parfois s’expriment « crûment » quant à la gravité des fautes, ce qui peut paraître au lecteur une contrainte désagréable.
Or « le Sage parmi les hommes, le roi Salomon, nous enseigne dans son livre Michlé (3.11) « Moussar HACHEM Béni al Timas etc… »
« Mon fis, ne répugne pas les réprimandes d’HACHEM et ne repousse pas ses reproches, car comme un père corrige son fils par affection, de même HACHEM le fait à ton égard ». Il existe des médicaments plus amers que d’autres, mais on ne s’abstient pas pour autant de les absorber, car le principal c’est le résultat souhaité. Si cela vaut pour la santé physique, cela l’est, à plus forte raison, pour l’obtention de la vie éternelle.
Dans le cadre de l’étude du ‘Hok-Lé-Israël, les textes de Moussar cités ne représentent que de brefs passages provenant de diverses sources. Mais leur impact sur la vie de tous les jours est extraordinaire. Il suffit de peu de lumière pour chasser beaucoup d’obscurité à condition que cette étude soit régulière.
Rav Abdelhak – Rav de la communauté
Ohaley Ya’acov – Rue Henri Murger à Paris |