La Tora
Rav Shaoul David Botchko
a. Introduction
Restituer en quelques pages un texte présentant la Tora, est une tache très difficile, voire impossible, compte tenu de la profondeur de son contenu.
C’est pourquoi nous nous limiterons ici à donner un petit aperçu de notre héritage, qui montrera la centralité de la Tora, puis à traiter de la Mitsva relative à l’étude et à l’enseignement de la Tora.
b. L’héritage
Cinquante jours après la sortie d’Egypte, l’Eternel se révèle au peuple Juif. C’est un évènement capital. C’est LE moment de l’histoire. L’homme n’est plus perdu. Il a reçu une boussole : il sait maintenant ce qui est le bien et ce qui est le mal. Pourtant, dés les premières paroles, les enfants d’Israël sont saisis de tremblement. L’homme, être fini, ne peut supporter d’entendre le Tout Puissant.
C’est donc Moché (Moïse), personnage d’une dimension exceptionnelle, qui sera le relais et dira au peuple Juif ce que D.ieu attend de lui. D.ieu dicte à Moïse son enseignement, c’est la Tora. L’infini se concentre ainsi en des mots et des phrases. Mais la compréhension de ce texte est ardue ; il porte en lui une multitude de sens. Quelles sont les soixante dix facettes que la tradition reconnaît comme étant paroles de vérité et quelles sont les lectures qui la déforment ou la dénaturent ?
Moïse reçoit de D.ieu Lui-même les codes d’accès à la lecture de la Tora, qu’il enseigne aux sages d’Israël. De génération en génération, ces traditions sont transmises oralement, la parole étant plus riche et plus dynamique que l’écrit, qui est même interdit, car il risque de figer et de réduire, d’effacer les sous-entendus et de détourner le sens des textes.
Bientôt surgissent les vicissitudes de l’exil, les voix réduites brutalement au silence, les académies fermées. La tradition est en danger. Il faut accepter les risques de l’écriture pour empêcher l’oubli. Ce sont les sages du Talmud* et du Midrach* qui s’attellent à cette tâche. Ils disent comment entendre la Tora, comment lire la phrase et ce que signifient les mots. Ils utilisent une langue féconde et merveilleuse, un écrit qui reste un oral, une langue qui suggère, une explication qui dévoile et qui cache simultanément. Leurs enseignements sont transcrits dans des dizaines d’ouvrages.
La parole de D.ieu est sauvée, mais la victoire n’est pas totale. Les écrits sont nombreux et dispersés. Ils portent en eux l’infini de la Parole divine. Alors l’enseignement reste la chasse gardée des érudits. Pourtant, il est dit que la Tora appartient à tous et tous doivent l’étudier.
Heureusement au fil des siècles le peuple Juif s’est enrichi de l’apport pertinent de nombreux commentateurs venus éclairer pour nous les textes, chacun à sa manière. On peut citer notamment : Rachi* bien sûr (11ème, 12ème), Ibn ‘Ezra* (12ème), Ramban* (13ème), Sforno* (15ème ,16ème), Radak* (12ème, 13ème) Abravanel* (15ème, 16ème), Or Ha’Hayim* (17ème - 18ème), et d’autres encore.
c. Etudier la Tora
Pour un Juif, la Tora n’est pas seulement un mode de vie ou une philosophie, c’est la vie elle-même .La Tora est la parole de D.ieu, l’étudier c’est s’approcher de Lui. Aussi l’étude est-elle l’équivalent de tous les commandements de la Tora. Elle donne leur sens aux Mitsvote, une direction à la vie, et élève l’homme vers l’Eternel .Ici nous allons expliquer comment explorer le commentaire de Rachi pour aider à comprendre les textes de la Tora.
Rachi dit à plusieurs reprises qu’il est venu expliquer le « Pchate* », le sens littéral. Cette affirmation semble surprenante, car le plus souvent le commentaire de Rachi apporte une lumière tout à fait nouvelle au texte. Aussi comprenons bien ce que signifie pour Rachi le sens littéral. Il ne s’agit pas du tout d’une lecture superficielle, la lecture de l’homme pressé. Non, proclame Rachi, la Tora est la parole de D.ieu et c’est une lecture pas à pas qu’il faut faire de la Tora. Il faut y examiner chaque mot et chaque expression. Rachi nous enseigne que sens littéral et profondeur ne sont pas antinomiques, bien au contraire.
Rachi ne s’écarte pas du sens littéral car son commentaire ne transforme pas le sens des mots ; son commentaire explique un passage dans son contexte, contrairement au Midrach* qui propose d’autres niveaux de lecture.
Rachi relève aussi des leçons de morale qui sont en exergue dans le texte et que son œil averti nous fait découvrir.
Il met en évidence les qualités des justes et montre les défauts des méchants nous enseignant ainsi les valeurs auxquelles nous devons nous attacher.
d. Enseigner la Tora à ses enfants
La Guémara «Kidouchine 29a», résume les obligations d'un père envers son enfant, celles qui vont au delà du souci de sa subsistance.
Si c'est un garçon il doit, dès le huitième jour, le faire entrer dans "l'alliance d'Abraham", c'est la « Berit Mila ». Si c'est un premier né, dès le trentième jour, procéder au "rachat des premiers-nés". Puis, il a l'obligation de lui enseigner la Tora, de l'aider à se marier, de lui enseigner un métier et certains disent même de lui enseigner à nager. Arrêtons-nous sur l'obligation d'enseigner la Tora à son fils A quel âge ? Jusqu'à quel âge? Que doit-on lui enseigner ?
Et les filles, leur éducation a-t-elle autant d'importance ?
A quel âge ?
Dès que le fils sait parler, son père lui enseigne le Chema’ "Ecoute Israël, l'Eternel notre D.ieu, l'Eternel est Un"; il lui enseigne également "Tora", c'est à dire le verset "Moïse nous a enseigné la Tora, c'est un héritage de la maison de Jacob"(Guémara traité Souka 42a ).
Puis, son père lui enseigne les autres versets de la Tora et, à l'âge de 6 ou 7 ans, selon la maturité de l'enfant, il l'amène chez le Maître qui poursuivra l'enseignement (Maimonide lois de l'Etude de la Tora Chapitre 1, par 6)
Il s'agit d'une obligation fondamentale déduite du verset Dévarim 11, 19: "vous l'enseignerez à vos enfants». Mais le père ne doit pas se contenter d'enseigner", de transmettre des connaissances. En effet, s'il doit commencer si tôt cet enseignement, c'est que le jeune enfant est perméable à une atmosphère, une ambiance que les parents créent dans leur foyer.
L'enseignement que l'enfant reçoit à quatre ans ne fera pas de lui un savant mais un amant de la parole de D.ieu. C'est d'ailleurs bien cette atmosphère que suggère le verset d'où l'on tire cette obligation; il se traduit textuellement "vous l'apprendrez avec vos enfants pour en parler", "avec", l'enfant n'est pas un sujet à qui l'on transmet une connaissance, mais un partenaire avec qui on accomplit soi-même la Mitsva. En effet de ce verset, on apprend simultanément l'obligation qu'a chacun d'étudier la Tora. La suite du verset insiste également sur le côté total, complet, qui englobe l'ensemble de la journée "tu l'apprendras avec tes enfants pour en parler assis dans ta maison, te déplaçant en chemin, lorsque tu te lèves et lorsque tu te couches".
Ainsi, la Tora est sujet d'études, mais plus encore elle est le centre de l'existence et c'est autour de l'accomplissement de cette Mitsva que doit s'articuler la vie d'une famille.
Jusqu’à quel âge?
C'est donc une obligation qui commence dès que l'enfant sait parler, mais quand donc le père a-t-il accompli son devoir ?
Eh bien, curieusement, il n'y a pas d'âge limite ! Subvenir aux besoins matériels de l'enfant est une obligation qui prend fin lorsque celui-ci arrive à l'âge adulte; mais en ce qui concerne l'étude de la Tora, quel que soit l'âge de notre enfant, la responsabilité de la transmission nous incombe; elle ne prend fin que lorsqu'il connaît toute la Tora ou, en d'autre termes, qu'il a suffisamment étudié pour pouvoir prendre sur lui la poursuite de son étude. Citons à propos de cette obligation, le «Choul'hane Aroukh Harav*», lois de l'étude de la Tora, paragraphe 4 : On force celui qui en a les moyens de payer un professeur pour l'enseignement de son fils, ..., car le père a l'obligation, soit de lui enseigner lui-même, soit de lui trouver un professeur jusqu'à ce qu'il sache parfaitement toute la Tora écrite et toute la Tora orale.
Et les filles ?
"C'est grâce aux mérites des femmes que nos ancêtres sont sortis d'Egypte". De plus, elles ne participèrent pas à la révolte provoquée par les explorateurs qui découragèrent le peuple d'aller en Israël.
Ainsi, dans l'histoire, elles ont saisi de manière très profonde ce que D.ieu attend du peuple Juif et ce sont les mères qui, tout au long de l'histoire, ont maintenu la tradition avec le plus de fidélité. Dans l'Antiquité, les valeurs essentielles étaient transmises par les mères à leurs filles.
Ces valeurs essentielles sont la foi en D.ieu, la connaissance de la loi juive et l'amour des Mitsvote. Aussi, est-il obligatoire que les filles étudient dans des écoles juives au même titre que les garçons bien qu'elles n'aient pas l'obligation d'étudier toute la Tora. (Voir Iggerote Moché Yoré Dè’a Livre 2).
Négliger leur éducation, c'est mettre en danger tout l'édifice de la famille juive. Malheureusement, bien souvent, les parents n'inscrivent que les garçons au Talmud Tora. Ceci est une grave erreur et c'est un devoir des responsables communautaires de développer des structures d'études pour les filles au même titre que l'on a développé les Yéchivote.
Et les petits enfants ?
Il ne suffit pas d'enseigner la Tora à nos enfants, il faut également témoigner de l'événement du 6 Sivane 2448, ce sommet de l'histoire juive, jour où le peuple Juif rassemblé, a entendu D.ieu lui-même proclamer les dix commandements.
C’est l'événement central de l'histoire qui a balayé les moindres doutes que le peuple Juif sorti d'Egypte pouvait avoir encore sur la vérité de la prophétie de Moché. Aussi, la Tora insiste-t-elle pour que l'on raconte de génération en génération cet événement formidable : "Mais garde-toi bien et prends bien garde de ne pas oublier les paroles que tes yeux ont vu afin qu'elles ne s'écartent pas de ton cœur tous les jours de ta vie; et tu le raconteras à tes enfants et petits-enfants le jour où tu étais debout au Mont ‘Horev devant l'Eternel ton D.ieu, ..., et J'ai fait connaître Mes paroles afin qu'ils apprennent à Me craindre tous les jours qu'ils vivront sur la terre Dévarim : 9 et 10.
Le témoignage, à travers tant de générations, n'est possible que si les petits-enfants sont liés avec leurs grands-parents. Ils comprendront qu'il ne s'agit pas seulement d'un savoir et c'est ainsi que la Guémara enseigne : "Tout celui qui enseigne la Tora à son petit-fils est considéré comme s'il recevait la Tora au Mont Sinaï (traité Kidouchine 30a).
Car c'est cette union entre les générations qui nous lie à nos ancêtres qui ont entendu physiquement la parole de D.ieu.
D'après la tradition, toutes les âmes qui apparaîtront plus tard dans l'histoire étaient présentes au pied du Mont Sinaï, ce sont les grands-parents qui peuvent ramener à notre conscience cette connaissance enfouie au fond de nous-mêmes.
e. Conclusion
Les sages d’Israël nous enseignent que, D.ieu a regardé dans la Tora et a créé le Monde. Que nous enseigne ce Midrach surprenant ? Que le Monde est créé en fonction de la Tora. Vivre selon la Tora c’est vivre en harmonie avec la nature. Vivre sans Tora c’est se condamner à vivre en dehors du Monde et la vie sans Tora désespère l’âme. Bénissons D.ieu de nous avoir donné la Tora et avec elle le secret du bonheur.
Rav Shaoul David Botchko
Roch Yéchiva – « Hekhal Eliyahou »
Rav du Yichouv Kokhav Ya’akov |