G 0213 – Guémara pour mardi :
Extrait du traité Yébamote 60b
Une prosélyte qui a été convertie au judaïme avant l’âge de trois ans peut-elle épouser un Kohen ?
(1) Introduction : On sait qu’une prosélyte adulte, suspectée d’avoir eu une relation charnelle avant sa conversion, est interdite ipso facto à un Kohen – comme toute femme juive ayant des rapports illicites avec un non-Juif ou avec un Juif.
(2) Ici, la Guémara rapporte une controverse sur le droit d’un Kohen d’épouser une prosélyte qui a été convertie au judaïsme avant l’âge de trois ans. ((>))
En effet, Moché ordonna aux soldats qui avaient livré bataille aux Midyanites, (Dévarim 31,17-18) : « Et maintenant tuez tous les enfants mâles, et toute femme qui a connu un homme par cohabitation, tuez-la. Mais toutes les petites filles qui n’ont pas cohabité avec un homme, laissez-les vivre pour vous ».
Rabbi Chim’one bar Yo’haï déduit du second verset que les soldats, dont Pin’has, qui était un Kohen, avaient le droit d’épouser des prosélytes d’origine midyanite de moins de trois ans car, à cet âge-là, elles n’ont certainement pas « cohabité » avec un homme.
En revanche, ses collègues comprennent : « Laissez-les vivre pour vous » comme esclaves, mais pas comme épouses.
D’après Rabbi Chim’one bar Yo’haï, objecte la Guémara, même une prosélyte de plus de trois ans devrait être permise à un Kohen si on est certain qu’elle n’a jamais « cohabité » avec un homme !
Réponse : Rabbi Chim’one bar Yo’haï a déduit qu’une prosélyte de plus de trois ans est interdite à un Kohen même si elle n’avait jamais eu de rapports, en opposant, comme le fera Rav Houna à une époque plus tardive, les deux versets rapportés ci-dessus.
En effet, « toute femme (adulte) qui a connu un homme par cohabitation, tuez-la » laisse entendre que les petites filles devaient être épargnées même si elles avaient cohabité avec un homme. Or le verset suivant : « Mais (seulement) toutes les petites filles qui n’ont pas cohabité avec un homme, laissez-les vivre pour vous » demande implicitement de tuer les petites filles qui ont cohabité avec un homme !
Pour résoudre cette contradiction, force est de conclure que, dans le second verset, l’expression « qui n’ont pas cohabité » se réfère en fait aux petites filles de moins trois ans qui sont trop jeunes pour qu’un homme « cohabite » avec elles. Cette explication du verset est confirmée, d’ailleurs, par une baraïta explicite.
Sur ce, la Guémara demande : Comment les soldats pouvaient-ils savoir si une petite fille midyanite avait atteint ou non l’âge de « la cohabitation » ?
Réponse : Ils la faisaient passer devant le diadème du grand prêtre ; si son teint devenait verdâtre, c’était la preuve qu’elle avait déjà trois ans.
A ce propos, Rav Na’hmane affirme que toute personne commettant une transgression sexuelle peut se reconnaître à son teint verdâtre.
A une autre occasion, les tribus d’Israël organisèrent une expédition punitive contre les habitants de Yavech Guil’ad qui avaient refusé de se joindre à la campagne de représailles contre les membres de la tribu de Binyamine pour le viol et le meurtre d’une femme commis par certains d’entre eux. A ce propos, il est écrit (Choftim, 21,12) : « Parmi les habitants de Yavech Guil’ad, il se trouva quatre cents jeunes filles encore vierges, n’ayant pas connu un homme par cohabitation » et qui furent épargnées.
Là, explique Rav Kahana, on fit asseoir les jeunes filles de Yavech Guil’ad sur des tonneaux de vin : celles qui étaient vierges n’exhalaient pas l’odeur de vin, contrairement aux autres.
Pourquoi n’a-t-on pas recouru, là aussi, au diadème du grand prêtre pour identifier les jeunes filles encore vierges et celles qui ne l’étaient plus ?
Rav Kahana fils de Rav Nathan explique : le verset « Il sera sur le front d’Aarone… pour leur obtenir la bienveillance » (Chémote 28,38) laisse entendre que le diadème doit servir aux Enfants d’Israël pour un bienfait, et non pour un châtiment.
En revanche, ajoute Rav Achi, on a pu recourir au diadème pour identifier les femmes midyanites qui devaient être tuées car, d’après ce verset, c’est seulement pour les Enfants d’Israël qu’on doit l’utiliser à des fins bénéfiques ; pour les païens, il peut servir aussi à un châtiment.
En conclusion, Rav Ya’akov bar Idi rapporte que Rabbi Yéhochoua’ ben Lévi a statué selon l’avis de Rabbi Chim’one bar Yo’haï, permettant à un Kohen d’épouser une prosélyte qui a été convertie au judaïsme avant l’âge de trois ans. |