La prière d’Abraham en faveur d’Avimélekh
a. Rappel : La première michna du huitième chapitre de Baba Kama établit que celui qui blesse une personne doit lui payer une indemnité pour le dommage causé, une autre pour la souffrance infligée, une troisième pour couvrir les frais médicaux, une quatrième pour la honte qu’il lui a fait subir et une cinquième pour l’incapacité de travail de la victime pendant sa période de convalescence.
La sixième michna indique le tarif à payer pour différentes sortes d’humiliations : un séla (4 zouz, soit 14,34 gr. d’argent) ou un Mané (100 zouz) pour un coup de poing, 200 zouz pour une gifle ; 400 zouz si l’agresseur a frappé quelqu’un avec le dos de la main, lui a tiré l’oreille, arraché les cheveux, craché sur lui, lui a enlevé son vêtement ou s’il a découvert la tête d’une femme dans la rue.
b. A ce propos, une baraïta* précise : Toutes ces sommes sont versées en réparation de la honte infligée. Néanmoins, même après leur paiement, l’agresseur ne recevra pas l’absolution pour la souffrance morale (c’est-à-dire le traumatisme psychique) causée à sa victime avant de lui avoir demandé pardon.
En effet, quand Avimélekh fit valoir qu’il n’avait pas voulu causer de tort à Abraham en s’emparant de Sara car il ignorait qu’elle était mariée avec lui, Dieu lui dit (Bérèchite 20,7) : « A présent, restitue l’épouse de cet homme car il est prophète ; fais en sorte qu’il prie pour toi » en lui demandant pardon.
c. A propos de ce verset, Rabbi Chémouel bar Na’hmani a rapporté cette explication de Rabbi Yonatane : En déclarant à Avimélekh : « Restitue l’épouse de cet homme car c’est un prophète », Dieu ne voulait pas dire qu’Avimélekh aurait pu garder Sara si Abraham n’avait pas été un prophète, mais répondre à cet argument du roi des Philistins : « Eternel, frapperais-tu un peuple innocent ? Ne m’a-t-il pas dit : « C’est ma sœur ? » (ibid. 20,4-5). Dieu lui répliqua : Abraham est un prophète et il connaît cette règle de savoir-vivre que tu n’as pas respectée : quand un voyageur arrive dans une ville avec une femme, il faut lui proposer à manger et à boire au lieu de commencer par lui poser des questions sur celle qui l’accompagne pour savoir si c’est sa sœur ou son épouse ! »
De ce passage biblique, on peut aussi déduire qu’un non-Juif est passible de mort s’il a commis une faute par ignorance, car nul n’est censé ignorer la loi !
d. Plus loin (versets 17-18), la Tora précise : « Abraham intercéda auprès de Dieu qui guérit Avimélekh, sa femme et ses servantes, de sorte qu’elles purent enfanter, car Dieu avait fermé doublement (‘Atsor ‘Atsar) toute matrice dans la maison d’Avimélekh ». Selon Rabbi Eli’ézer, cette formule répétitive laisse entendre que la stérilité des Philistines était liée à différents problèmes médicaux chez elles ou chez leurs époux.
Selon les élèves de Rabbi Yanaï, l’expression « Dieu avait fermé… toute matrice » laisse entendre que même les poules ne pondaient plus d’œufs à ce moment-là.
Rava déclara à Raba bar Mari : On peut déduire d’un passage d’Iyov (42,10) que celui qui prie le Ciel d’accorder à quelqu’un un bienfait dont il a besoin lui aussi, sera exaucé en premier, car il est écrit : « Dieu compensa les pertes de Iyov après qu’il eut prié pour ses amis ».
Raba bar Mari répliqua : On peut l’apprendre aussi d’Abraham qui eut le mérite d’engendrer Yits’hak après avoir prié pour mettre fin à la stérilité des Philistines. En effet, il est dit (Bérèchite 20,17) : « Abraham intercéda auprès de Dieu… », puis deux versets après (ibid. 21,1) : « L’Eternel visita Sara comme il avait dit », sous-entendu, comme Abraham l’avait demandé pour Avimélekh.((>)) |